CONVENTION D’INTERDICTION DES ARMES CHIMIQUES

CONVENTION D’INTERDICTION DES ARMES CHIMIQUES
CONVENTION D’INTERDICTION DES ARMES CHIMIQUES

Convention d’interdiction des armes chimiques

Du 13 au 15 janvier 1993, à Paris, cent trente pays ont participé à une conférence d’ouverture à la signature d’une “Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction”. Fruit de vingt-cinq années de discussions, ce document est capital par son ambition d’une interdiction universelle, permanente, globale et vérifiable. Il est aussi très important par son ampleur: cent cinquante-trois pages pour la Convention et ses trois annexes, de même statut juridique, à comparer à l’unique page du Protocole de Genève de 1925 et aux cinq pages de la Convention d’interdiction des armes biologiques de 1972.

Les grandes lignes du contenu des textes

Ses prescriptions globales et vérifiables donnent un caractère novateur à cette Convention. En effet, elles proscrivent une catégorie entière d’armes, depuis leur mise au point jusqu’à leur emploi, couvrant tous les produits chimiques, toxiques ou leurs précurseurs même lointains, ne répondant pas à des fins pacifiques (industrielles, agricoles ou médicales), de protection ou de recherche. L’emploi de produits utilisables par les forces de police, tels que les gaz lacrymogènes, est même interdit en opérations de guerre. Par ailleurs, ces prescriptions définissent en détail les déclarations et les contrôles auxquels sera soumise l’industrie chimique, et dont la sévérité croîtra avec le risque résultant du détournement des produits ou des installations à des fins interdites. Ainsi, les produits, ou familles de produits, à contrôler sont répartis en trois classes: les produits hautement toxiques sans utilisation licite notable et déjà fabriqués ou employés comme armes chimiques (classe 1), les produits toxiques sans applications industrielles licites pour des quantités importantes (classe 2) et les produits ayant été fabriqués et utilisés comme armes chimiques mais ayant des applications industrielles licites pour des quantités importantes (classe 3)..

La Convention présente deux grandes catégories de dispositions relatives, d’une part, aux stocks d’armes chimiques et aux installations de fabrication correspondantes (obligations de déclaration et de destruction dans des délais déterminés, mesures de vérification correspondantes), d’autre part, aux fabrications de produits à usage civil, mais pouvant concourir à la réalisation d’armes chimiques (obligations de déclaration et mesures de vérification couvrant pratiquement toute l’industrie chimique organique, et spécialement celle qui utilise le phosphore, le fluor ou le soufre).

Son application est à la fois nationale et internationale. Les États participent aux organismes intergouvernementaux de la Convention (Conférence des États parties et Conseil exécutif). Ils ont la responsabilité des opérations de destruction selon des techniques de leur choix mais respectant l’environnement (c’est-à-dire autres que l’immersion, l’enfouissement ou la combustion à ciel ouvert). Enfin, ils doivent adapter leur législation à la répression des infractions et à l’obligation de déclarations et d’ouverture aux inspections.

La vérification est, elle, internationale. Elle sera assurée par un corps d’inspecteurs du Secrétariat technique, structure internationale intégrée.

Résultat de vingt-cinq ans de discussions et de compromis, cette Convention s’efforce d’établir un équilibre entre les impératifs d’une vérification crédible et la sauvegarde des intérêts nationaux, étatiques ou privés, étrangers à la guerre chimique. Elle institue ainsi, à côté d’inspections de routine, des inspections par “mise en demeure”, pouvant théoriquement s’exercer, à la demande d’un État soupçonneux, en tout lieu, même sans rapport apparent avec des armes chimiques, avec un très court préavis (trois jours au maximum).

Mais ces inspections privilégieront l’examen à partir d’un périmètre extérieur aux installations, fixeront des limites aux investigations internes et permettront à l’État inspecté d’occulter des informations sensibles, qu’il estime sans rapport avec l’objet de la Convention. Mais il devra alors démontrer par d’autres moyens qu’il ne camoufle pas d’activités interdites. L’inspection ne devra pas dépasser trois jours et demi et garantira la confidentialité des informations recueillies, grâce à un ensemble de mesures détaillées dans l’annexe 3 de la Convention.

La Convention s’efforce aussi d’établir un équilibre entre les pays industrialisés et les pays en développement par la composition du Conseil exécutif de quarante et un membres, tournant selon des critères géographiques et industriels.

En ce qui concerne les armes chimiques abandonnées sur le territoire d’un autre État (cas en particulier d’armes japonaises en république populaire de Chine), elle équilibre théoriquement les obligations des deux États.

En vue de parvenir à l’universalité, la Convention, à laquelle les États adhèrent librement, comporte des incitations économiques (assouplissement et disparition à terme des mesures de contrôle actuelles des exportations de produits chimiques sensibles entre États parties, durcissement de ces mesures vis-à-vis des autres États, encouragements à la coopération entre États parties en vue du développement économique et technologique) et des incitations de sécurité (assistance en cas de menace ou d’agression chimique).

Ces mêmes incitations devraient concourir à donner à la Convention une durée d’application illimitée.

Les avantages et les coûts d’application de la Convention

Indiscutablement, cette Convention débarrassera le monde de la plupart des armes chimiques existantes et de leurs installations de production tout en respectant l’environnement, à la différence de beaucoup de méthodes antérieures. Elle diminuera par là même considérablement le risque d’attaques chimiques de grande ampleur, les contrôles institués dissuadant du développement d’arsenaux chimiques importants. Même si elle n’est pas universelle et ne lie que les États parties, elle fera peser sur les autres une suspicion et une contrainte diplomatique considérables, et entravera leurs approvisionnements en matières premières et en matériels indispensables.

Certes, la Convention n’éliminera pas tout risque, et ses rédacteurs en sont conscients puisqu’ils prévoient et autorisent la poursuite des activités de protection et une assistance aux pays menacés ou attaqués.

Mais cette élimination des principaux arsenaux chimiques actuels ne sera acquise au mieux que dix ans après l’entrée en vigueur de la Convention. Et, si les États-Unis semblent en mesure, techniquement, de respecter ce délai, malgré la mise en cause de leurs procédés de destruction pour des motifs écologiques, la Russie connaîtra beaucoup plus de difficultés techniques et financières. Aussi a-t-elle déjà obtenu, avant de signer la Convention, de nombreuses concessions: possibilité de porter à quinze ans la durée de la destruction, de convertir définitivement à des fins civiles certaines installations de production, dont il était déjà prévu qu’elles pourraient être temporairement transformées en installations de destruction, de ne pas supporter tous les coûts de vérification, à la charge des États en théorie seulement. De plus, la Russie a récemment subordonné sa ratification à une aide internationale, technique et financière, pour la destruction elle-même, qui s’élèverait à plus de 10 milliards de dollars.

Ces problèmes de destruction supposés résolus, après 2010, quel sera le coût économique de l’application de la Convention? Les risques d’espionnage industriel ne peuvent être exclus, malgré les dispositions visant à garantir la confidentialité et les mesures de protection que prendront les firmes et les États, par exemple en globalisant à l’échelon national les déclarations exigées. La déclaration préalable d’activités nouvelles pourrait perturber les perspectives de production et d’expansion des installations. La prise en compte de ces risques et le sentiment d’amoindrissement de la menace au fil des ans pourraient amener à adoucir les mesures de vérification qui perdraient de leur efficacité. Si le coût de cet espionnage est difficile à évaluer, le travail de collecte et de traitement des données à fournir, comme la préparation des inspections avec les mesures de protection légales nécessaires, a pu être estimé dans certains pays (45 millions de livres par an pour l’industrie chimique britannique). Qui, de l’État ou des entreprises, supportera ces dépenses? Malgré ces handicaps, l’industrie chimique occidentale est dans son ensemble favorable à cette Convention, soucieuse d’améliorer l’opinion du public à son égard.

À côté des dépenses de l’industrie, celles des États seraient importantes, tant pour les activités de leur compétence citées ci-dessus que pour leur participation au fonctionnement du Secrétariat technique. Le régime, lourd, de vérifications, s’il doit disparaître à terme en ce qui concerne les stocks d’armes existants, se maintiendra et se développera pour la surveillance de l’industrie chimique, avec l’implantation d’installations dans de nouveaux pays. Le Secrétariat technique, qui aura la charge de ces vérifications, prévoit un effectif de trois cents administratifs et un corps de deux cent cinquante à quatre cent cinquante inspecteurs.

Le budget annuel du Secrétariat technique serait compris entre 80 et 100 millions de dollars, répartis entre États parties selon des critères dérivés de ceux de l’O.N.U., le coût de chaque vérification étant théoriquement à la charge de l’État inspecté.

La Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, de stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction, ouverte à la signature à Paris le 15 janvier 1993, entrera en vigueur 180 jours après l’enregistrement de la soixante-cinquième ratification. En mai 1995, la Croatie est devenue le vingt-huitième État à ratifier cette convention. Cette dernière représente une étape importante vers l’élimination de ces armes. Leur éradication à l’échelle mondiale dépendra de l’universalité de la ratification et de l’application pratique des mesures de destruction et de vérification. Sa durée effective sera fonction du soutien que lui accordera avec le temps la communauté des nations, face aux considérations diplomatiques qui pourraient entraver la mise en application des “mesures propres à redresser une situation”.

La vigilance restera donc nécessaire longtemps encore à l’échelon national.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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